Et BIM, le collectif qui crève l’écran

Collectif de production audiovisuelle basé à Paris, ET BIM imagine des vidéos divertissantes qui brisent le mainstream et tirent l’humanité vers le haut.

« Filmer en contre-plongée pour raconter des blagues c’est sympa, mais avec une caméra tu peux aller plus loin que ça. » À l’autre bout du fil, la phrase est signée Andréa Vistoli, moitié du noyau dur de ET BIM. Lâchée depuis un train en direction de Toulouse et son Festival francophone de la websérie où le jeune homme de 32 ans est invité à défendre Johnny Hunter : chasseur de migrants une télé-réalité fictive de six épisodes, commandée par Médecins sans frontières et qui balaie avec cynisme les grands thèmes de la crise migratoire cette sentence résume assez bien la philosophie du collectif parisien. Un positionnement synthétisé dans l’accroche Le collectif qui va tirer l’humanité vers le haut, inscrite en dessous du logo sur les stickers ronds fraîchement imprimés pour ce déplacement dans la ville rose.

Youtube comme vitrine

À l’initiative du collectif, Andréa Vistoli et Ambroise Carminati se sont rencontrés sur les bancs de l’EICAR, l’École internationale de création audiovisuelle et de réalisation, à Saint-Denis. Leur formation en poche, les deux jeunes diplômés décident de monter leur propre boîte, Jeff & Octave. Nous sommes en 2011 et la société se charge autant de la réalisation de vidéos destinées à la communication interne d’entreprises que de la captation d’événements en live. « On faisait un peu tout en service à l’entreprise. Des trucs B2B ultra chiants. » Si Andréa parle au passé, c’est que Jeff & Octave n’est plus que l’entité juridique d’un projet qui se concentre désormais à 100% sur la création. Ce projet c’est ET BIM. « On a arrêté l’institutionnel il y a un an. On continue dès qu’il y a un côté créatif. C’est-à-dire lorsqu’on peut faire de la vraie écriture de scénario, de la vraie fiction. » En marge de ce job s’apparentant à celui d’une agence de pub, le duo alimente en parallèle sa propre chaîne Youtube du nom du collectif. « On est un peu le cul entre deux chaises en fait ! » Entre un film corporate rétro-éclairé pour BMW et un évangile virale de trois minutes pour une sensibilisation made in l’Église catholique, Ambroise et Andréa enrichissent petit à petit leur chaîne Youtube de sketchs, courts-métrages ou séries. Des productions purement bénévoles. « La chaîne nous sert à donner notre point de vue sur la création. C’est notre vitrine. » Et pour cela, les deux associés sont bien entourés. Une trentaine d’amis acteurs, techniciens ou autres gravitent autour du noyau dur de ET BIM. « Ambroise est réalisateur-acteur-monteur. Moi je fais toute la technique, de la prise de vue à la sortie des fichiers. On est très polyvalents mais pour nos vidéos on sollicite des amis rencontrés au gré de nos diverses expériences, on travaille aussi avec d’autres collectifs comme Les Parasites. » Diffuser via la toile permet aussi de se positionner. La série humoristique CoCoVoiT par exemple respecte une certaine charte qui pourrait propulser directement le collectif à la télévision. De son côté, La règle du jeu, premier long-métrage, tourné en une nuit à la manière d’un huis clos à la fois drôle et oppressant, frappe désormais à la porte des salles de ciné.

La critique de l’être humain moderne en ligne de mire

Les productions certifiées ET BIM « sont très orientées autour de l’humain. Autour de la critique et l’autocritique de l’être humain moderne, de sa position dans le groupe, son rapport à la vie virtuelle. Dans chacune de nos vidéos il y a un message et on défend cela depuis le début. » En témoigne Darfimbabwour, court-métrage fiction dévoilé en mars dernier. Adaptées à partir d’une planche du dessinateur Gotlib et « réalisées avec trois bouts de ficelles », ces 7 minutes 41 secondes parodient l’évolution de notre comportement face à la spectacularisation d’une crise alimentaire orchestrée par les médias. Et le rendu est d’un réalisme déconcertant. Depuis sa sortie, la vidéo a été visionné plusieurs centaines de milliers de fois. Jusqu’à arriver aux yeux et aux oreilles de Médecins sans frontières qui sollicite dans la foulée les deux compères créatifs pour… la prochaine campagne de l’association humanitaire axée sur le thème des réfugiés ! Bingo, le personnage de Johnny Hunter fait son apparition et dénonce cette Europe qui va trop loin. Sur la chaîne Youtube de la marque, de nombreux autres personnages et projets sont à découvrir. Celui de Marius notamment, qui détourne les codes du podcast vidéo si cher aux Youtubeurs que sont Norman et Cyprien. Là encore, ET BIM imprime sa patte et réussit à aborder des thèmes comme le suicide et la pédophilie en contournant le côté mainstream du format. « On voulait relever le niveau sur Internet. On revendique tout simplement un autre niveau de production que celui qui est proposé. » Depuis son local du 18ème arrondissement de la capitale, ET BIM c’est un peu un pavé dans la mare. Un pavé bien décidé à se frayer son propre chemin au milieu de la masse audiovisuelle. Un pavé qui tend à faire avancer les choses. Tout simplement.

Darfimbabwour, court-métrage mais pas que :