LES YEUX DANS LA VAGUE

Lorsqu’il ne planche pas pour Chanel, Jeep ou sur la prochaine pochette de Johnny, Thomas Cantoni écume les spots de surf autour du globe. Depuis peu, sa vague de prédilection porte un nom. Jonsen Island.

« Le surf, c’est le moteur de ma vie. » Comme une évidence. Thomas Cantoni, minot de naissance et aujourd’hui jeune quadra « dans l’image », ne peut pas le nier. C’est bien sa passion qui a guidé ses choix de carrière et révélé sa patte. D’abord, il y a eu les tout premiers stages de surf à Biarritz, pendant les vacances estivales. Puis, les championnats de France de Bodyboard, à 16 ans. Mais surtout, l’univers marquant d’un oncle producteur de films de windsurf et de surf, dans les années 70. Des souvenirs d’Hawaï pleins les bobines. Dans la valise du tonton : les sessions Nuit de la glisse, des Vans, des maillots, des stickers… Le tout estampillé USA. Trois lettres qui donnaient le ton et dominaient les tendances de l’époque. Des années plus tard, le travail de Thomas en est bourré de références. Un job dès le départ assumé en indépendant. À Paris premièrement. À Marseille maintenant. Le milieu de la publicité, ce père de famille l’a déjà balayé en long, en large et en travers. Coca-Cola, Chanel, Heineken, Jeep, Chevignon, Le Coq Sportif… L’industrie du disque aussi. « Depuis six ans, je m’occupe de toute la communication, des pochettes, des coffrets collectors de Johnny. » Son quotidien ? Logotype, charte graphique, identité visuelle. Son esthétique vintage n’a pas d’étiquette. « Je ne m’interdis pas de bosser pour des petits qui n’ont pas les moyens. C’est souvent là qu’il y a le plus de marge de manœuvre. » Thomas Cantoni retient tout de même un déclic décisif dans l’évolution de son dessin. Une rencontre. Alors âgé de 22 ans, ce fils d’un père corse et d’une mère danoise est contacté par Serge Bordonaro, fondateur de Kulte. La marque vestimentaire branchée made in Marseille a alors le vent en poupe et n’hésite pas à donner sa chance au jeune illustrateur. « Le dessin a tout de suite plu. » Le diplômé de L’Institut Supérieur des Arts Appliqués à Paris va façonner l’image des vêtements Kulte autour d’une touche rétro-sexy qui contribuera grandement au succès de la fabrique originaire du Vieux-Port.

La Californie, un sticker et un poulpe

Son boulot, le graphiste-illustrateur le troque dès qu’il peut pour les plages de la planète surf. « Brésil, Californie, Maroc, Indonésie… J’en ai fait tellement ! Je pars souvent dix jours à un endroit, puis dix à un autre. Tout seul ou avec des potes. J’en ai besoin ! » Le genre de voyage qui l’a mené, en 2008, à Oceanside. Comté de San Diego, sud de la Californie. Au programme, soleil, mer et visites d’atelier de shapers. C’est dans l’un de ces hangars expérimentaux que le surfer va tomber nez à nez avec un vieil autocollant intrigant. L’inscription JONSEN FACTORY, TAILOR SURFTRUNK – 1973, CALIFORNIA retient particulièrement son attention. « Le nom de jeune fille de ma mère est Jonsen. Je tique direct. La connexion se fait. Le logo avec le poulpe était cool. Je me renseigne et apprends qu’il sagit d’une ancienne marque d‘un couturier de maillots de bain tombé dans l’oubli. Du coup, j’achète le nom. Au cas où. En fait, je me prévois un échappatoire pour mon retour en France. »

Sticker d’origine retrouvé par Thomas Cantoni dans un hangar à Oceanside avant que l’illustrateur le redessine pour en faire le logo de sa marque, Jonsen Island.


 

Un logo qui rend fada

« J‘avais pris le sticker en photo. Il était bien usé. Je le redessine une fois rentré à Paris et on décide avec ma femme de revenir habiter à Marseille. Là, après avoir montré mon logo à William, mon pote de toujours, on se met à vendre des petits tee-shirts sous le manteau pour le fun. À 20 balles dans les clubs de paddle de William. Le logo a de suite interpellé tout le monde. C’était juste un print sur un tee-shirt ! Même les nanas nous achetaient le truc en nous disant que c’était juste pour le logo ! » Face à l’effervescence suscitée, les deux compères décident de se lancer dans le marché du maillot homme. « J’ai bossé pour plein de marques, mais je n’avais jamais mis les mains dans la fabrication. » Thomas Cantoni rappelle alors Serge Bordonaro, retiré du milieu de la sape depuis la vente de Kulte. Ce dernier perçoit rapidement le potentiel du logo poulpé de Jonsen Island, intègre la bande et rouvre son carnet d’adresses. Un kickstarter plus tard, un quatrième associé pour la communication et un site marchand flambant neuf, Jonsen Island dévoile sa première collection. Bonnets, tee-shirts, sweat-shirts, boardshorts, surfboards et combinaisons. Chaque pièces est numérotée et fabriquée main à Marseille. « On a l’impression d’être les petits foufous du moment. On sent qu’il y a un coup à jouer. » Et jusqu’ici, il est joué à fond. En atteste les collaborations bien senties. Avec Spok, le cantinier créatif et healthy du moment. Ou encore avec Waiting For The Sun, lunetier boisé et stylé pour l’été. Reste à savoir jusqu’où ira Jonsen Island. En attendant, Thomas Cantoni nous avoue « ne plus avoir le temps de s’occuper de son site Internet de freelance ». Plutôt de bon augure.