FOU DE TOIT

 S8JFOU est un musicien bricoleur à temps plein et un joyeux vagabond le reste de ses journées. Le 24 septembre, il dévoilera un album qu’il a construit de A à Z.

« Je suis chaud, mais par contre mon téléphone coûte 9 € à la FNAC. Donc il ne fonctionne qu’à moitié pour appeler… Est-ce qu’on pourrait faire ça par mail plutôt ? » Connaissant un peu le personnage, on se doutait qu’il ne se laisserait pas faire comme les autres. Rendez-vous donc le lendemain, avec la connexion Internet du deuxième étage du Wonder, ancien immeuble de bureaux à Bagnolet, réaménagé en ateliers pour des résidences d’artistes. De l’autre bout de son Facebook, S8JFOU nous attend. « On est au seul étage qui capte. Trois étages au-dessus de mon studio. »

Du haut de ses trois pommes et de ses 22 ans, ce diplômé d’une licence à l’école des Beaux-arts de Nantes nous explique être parisien depuis janvier. Ce qui a l’air de l’enchanter. « Je n’aime pas du tout Paris. Je crois que la principale raison qui m’a poussé à y venir, c’était le besoin de quitter Nantes. Et j’étais content de rejoindre un copain pour vivre un peu avec lui. Même si il a passé son temps en Géorgie pour faire sa propre absinthe… Je suis né et j’ai grandi à Nantes, il fallait que je passe à autre chose. Même si je reste très attaché à cette ville, je suis content de l’avoir quitté. Mais Paris, humainement, c’est l’enfer. C’est très difficile de rencontrer des gens parce que personne ne se considère. Il y a trop de monde et l’indifférence est immense. Je reste ici parce que l’endroit où j’ai mon studio est merveilleux. C’est tout. Si c’était pas le cas, je serai déjà parti ! » Parti où ? À la montagne. Dans les Hautes-Pyrénées plus précisément, où ce bricoleur compulsif et dégourdi de la vie s’est récemment acheté son propre terrain, au-dessus d’un village de 35 habitants. 2 500 m² pour construire son studio son et y vivre 4 à 5 mois par an. « Parce que c’est beau. Que l’hiver c’est blanc, que l’automne c’est rouge, qu’au printemps c’est vert clair, et l’été vert foncé ! » Pour respirer aussi. Et quitter cette saloperie de périphérique parisien qui n’a de bon que l’espace que ce fan du Chromatic Bird de Saycet et d’ambient en général s’est aménagé. Quelques mètres carrés témoins de la composition du second album de S8JFOU : Before I Move Off. « C’est de la musique libérée difficile à catégoriser. C’est aussi des synthétiseurs et de la gratuité. » Et des modulaires. C’est également une production totalement indépendante. « Je ne veux pas de label. J’aime pas du tout le fait qu’il faille avoir un label pour être crédible aux yeux d’une certaine partie de la musique. D’ailleurs, je crois que je n’ai pas envie d’être crédible aux yeux de cette partie de la musique. Et j’ai les connaissances nécessaires pour faire mon propre mixage et mastering à peu près correctement. Du moins, comme j’ai envie de faire sonner mes morceaux. »

Derrière cela, il y a surtout l’idée de faire sonner son quotidien comme il l’entend. Contourner les normes, regarder derrière le mur et braver l’interdit : dites bonjour à Bonsoir Michel, son alias. « Je sépare mon travail en deux. D’un côté, la musique, que je fais très sérieusement. De l’autre, la construction, la vidéo, l’idiotie, la rigolade et la camaraderie, le voyage… Bonsoir Michel, c’est un vagabond joyeux qui fera toujours tout ce qu’il veut. C’est un peu ma vraie facette on va dire. » Qu’importe la face, A ou B, celui qui vit au rythme de ses prestations live aux quatre coins de la France et de l’argent qui en découle, paraît obnubilé par l’action de construire. À commencer par son propre toit (son premier album se nomme Constr8re ma maison). « Ma maison sera toute petite, avec le lit au bord de la cheminée. Juste ce qu’il faut de place, rien de superflu. Avec de la buée sur la vitre quand il neige dehors. » À l’intérieur, on trouvera pêle-mêle : du fromage et du gaspacho, un feu et un skateboard, des chaussettes chauffées par un radiateur imaginaire, des visages de filles en poster, quelques stickers, un train de marchandises en miniature, des déguisements en pagaille et des cheveux coupés au carré, un émetteur du bruit que fait la pluie sous une tente Non, S8JFOU n’est pas fou. C’est simplement un questionnement vers la liberté. Celle des plaisirs oubliés.

Sticker personnalisé S8JFOU au Wonder à Saint-Ouen :